Culture des iris avec film de paillage : alternative au désherbage ou aux désherbants

Pourquoi utiliser des films de paillage ?

La culture des iris en champ est soumise à une problématique ardue : la gestion des mauvaises herbes. Cette problématique est bien plus complexe en plein champs que pour les jardins de ville. En effet, les prés environnants complexifient cette problématique en amenant des graines supplémentaires. Par exemple, au mois d'avril, on assiste à un vol conséquent d'aigrettes de pissenlit (vol des poils), permettant ainsi la dispersion de cette plante dans l'espace. D'autre part, la mise en culture d'un ancien pré n'est pas un avantage. En effet, cette terre contient des milliards de graines, notamment de graminées. Comment faire quand on ne veut pas utiliser de désherbant ?

A partir d'avril, s'il pleut régulièrement, il faut désherber toutes les 3 semaines. Sachant qu'une allée fait 25 mètres de long sur un mètre de large et qu'il faut tout seul environ 2 heures et demi pour désherber une allée, il faut 3 jours pour désherber 10 allées ! Quand on travaille, il faut recommencer quand on en a fini 10. Bref, la majorité du temps est consacrée entre avril et octobre à cette tâche monotone et inintéressante.

Il y a 7 ans, j'avais mis des toiles de paillage d'un mètre de large dans les allées de passage. Ces toiles, constituées principalement de polyproplène, évitent tout désherbage et donc divisait le travail par 2. J'avais déjà constaté que les iris en bordure de cette toile étaient en meilleur état. Par période de sécheresse, leurs racines filaient sous la bâche pour capter l'humidité. Les feuilles étaient en meilleur état et les rhizomes plus gros.

A l'automne 2016, la signature d'un partenariat avec l'école d'horticulture n'a pas permis de régler le problème du désherbage. Les élèves se sont vite découragés. Certes, l'état sanitaire des iris s'est amélioré mais le problème n'a pas été résolu.

 

La mise en place des bâches

Au mois de mars 2017, j'ai décidé d'essayer une nouvelle technique de production. Je propose de vous en donner un premier retour. Nous avons réimplantés avec l'école une allée de production de 25 mètres de long. Nous avons passé le motoculteur sur une allée qui avait déjà été cultivée. Nous avons tendu une toile noire, obtenu à partir de LLDPE (linéaire octène) par co-extrusion tri couche, traité anti-UV. Ces toiles, d'épaisseur 17 et 25 micron sont micro perforées. La microperforation entraine un surcout d'environ 20% mais permet à l'eau de ne pas stagner sur une partie du film. Elles ne sont pas biodégradables. Leur durée de vie est d'une année environ mais leurs coûts est bien moindre qu'une toile biodégradable. Il faut compter environ 120€ hors taxes pour 300 mètres de toile, soit 0.4€ le mètre. 300 mètres suffisent pour une saison. Il est possible de prendre des bâches plus épaisses qui peuvent durer 2 ans au moins.

La mise en place de cette toile nécessite une certaine technique. Il faut bien la tendre. Pour cela, il faut être plusieurs, si possible en l'absence de vent. La toile tendue a une largeur de 140 centimètres. Elle est plaquée au sol grâce à de la terre qui la recouvre sur chaque côté. Puis 2 toiles vertes de paillage sont tendues de part et d'autre du film noir. Ces toiles de densité 90 gr/m², font 105 centimètres de large. Elles sont positionnées pour que l'allée où vont être implantée les iris fasse 1 mètre de large. Par conséquent, environ 20 centimètres de chaque côté du film sont recouverts par les toiles de paillage. Si l'opération est bien faite, on observe 3 toiles : un film noir est entouré de 2 toiles de paillage, sans quasiment aucune trace de terre. Les toiles de paillage sont tenues au sol par des sardines, plantés tous les 2 mètres environ. Cela veut dire que le film noir est tenu à la fois par le poids de la terre mais aussi les sardines qui transpercent les 2 toiles.
Il ne reste plus qu'à planter les iris. Pour cela, au ciseau, un morceau de bâche, sous forme de rond, est découpée. La grosseur du trou est fonction de la taille du rhizome à implanter. Il est plus petit s'il s'agit d'un semis à repiquer. Pour les semis, j'effectue 4 trous par ligne. Pour les rhizomes adultes, il n'y a que 3 trous par ligne.

Il faut profiter que la terre soit légère pour implanter facilement les iris.


Les avantages de cette technique

Cette technique est largement utilisée dans la production des fraises et surtout des salades.
Le fabricant énumère les avantages suivants :
• Empêche la croissance des mauvaises herbes.
• Améliore la productivité.
• Le maintien de la structure du sol dans la zone couverte assure un développement supérieur des racines et une prospection plus importante de celles-ci.
• Une meilleure régulation du taux d'humidité au niveau des racines en limitant l'évaporation assurant ainsi une alimentation continue à la plante.
• Limite l'amplitude thermique entre le jour et la nuit.
• Empêche le développement des mauvaises herbes. Les températures élevées enregistrées sous un paillage et l'opacité au rayonnement visible de certains films empêchent le développement des adventices.
• Augmente la fertilité du sol car on observe une nitrification favorisée par l'absence de lessivage et une élévation de la température.

Nous avons implanté des rhizomes rachitiques au mois de mars qui avaient été laissés sur l'herbe plusieurs semaines. Après 3 mois de recul, j'ai observé :
• Des feuilles plus vertes ;
• Un recul significatif de l'hétérosporiose ;
• Un dédoublement plus rapide ;
• Un meilleur état sanitaire que les rhizomes non bâchés.

Je vois également d'autres avantages.
• L'arrosage. Il est ciblé : il suffit de verser l'eau dans le trou, évitant ainsi une déperdition de la majorité de l'arrosage comme c'est le cas dans la culture sans baches.
• L'engrais est jeté dans chaque trou, ce qui assure que la quasi-totalité de l'apport bénéficie à l'iris. Il est possible de diminuer l'apport, de l'optimiser dans le temps, et donc de faire des économies.
• Il est possible avant la saison, d'inventorier le nombre de rhizomes par variétés à vendre. Il est très simple de compter dans chaque poche le nombre de rhizome à vendre une fois les hampes florales formées. La gestion des stocks est bien mieux assurée.
• La mise au compost d'iris commercialisés sera réduite si les ventes sont au rendez-vous.
• La réalisation d'un chiffre d'affaires au m² important.


Les limites de cette technique

Cette technique me parait difficilement adaptable pour des grandes surfaces bien qu'il existe des machines permettant la mise en place automatique des bâches et le repiquage des salades simultanément. On pourrait imaginer la même chose pour les iris.
J'émettrai également des réserves pour les sols trop argileux. Les bâches vont-elles augmenter les risques de pourriture en augmentant le taux d'humidité autour du rhizome ?
L'obligation de réimplanter tous les ans est plus contraignante dans les sols caillouteux ou en pente. Dans des zones septentrionales, les bâches peuvent constituer un habitat protecteur pour les gastéropodes.


L'entretien après la réimplantation

Cette technique nécessite un désherbage limité. Il faut tirer, à la main, une ou 2 mauvaises herbes qui poussent à proximité des rhizomes dans quelques poches. C'est rapide : 10-15 minutes pour faire une allée. La fréquence de désherbage est moindre.
Lorsque le rhizome grossit, le trou peut devenir trop petit et confiner l'iris. Il faut, alors à la main, ou avec un petit ciseau augmenter la taille du trou, afin de permettre aux pousses latérales et derrière le rhizome de bien s'épanouir. Pour le reste, pas grand-chose à faire. On peut arroser si le temps est sec. On peut enfin, avant l'hiver, couper et ôter les feuilles mortes ou tachées. C'est du bichonnage.

Sur la première photo, la poche doit être élargie vers l'arrière pour permettre l'épanouissement des pousses à l'arrière du rhizome mère. Sur la seconde photo, le pied mère a produit 2 rhizomes supplémentaires mais qui commencent à manquer de place. Il faut là aussi penser à élargir le trou.

Fin mai, une fois la floraison terminée, les bâches centrales où se trouvent les semis sont enlevées. Tous les semis non sélectionnés sont éliminés et les semis en pot sont réimplantés au même endroit selon la même technique d'implantation.
Fin juin, début juillet, les bâches centrales des allées de commercialisation sont enlevées afin d'effectuer les commandes. Il est très facile d'ôter les rhizomes vendus car le sol est vierge de mauvaises herbes.
Une fois les commandes effectuées, il faut réimplanter les allées de commercialisation pour l'année suivante. A 2, il faut compter avec un sol non dur 3 heures 30 maximum pour réimplanter une allée de 25 mètres. C'est le prix à payer pour avoir la paix avec le désherbage ! Une réimplantation annuelle favorise à mon avis la production de gros rhizome.


En conclusion...

Il manque du recul pour avoir des certitudes sur cette technique. Il peut y avoir des limites ou inconvénients qui apparaitront peut-être à l'usage... Je ne vois pas bien lesquels. Je suis persuadé que le paillage des iris est l'avenir d'irisistible.